Les réalités que nous côtoyons tous les jours, au niveau local, sur nos terrains d’action, témoignent d’un sentiment de plus en plus fort de découragement, d’isolement, de peur et de repli qui s’infiltre dans de larges parties de la société et sont une menace pour la cohésion sociale déjà largement mise à mal. Inquiétude et découragement devant l’aggravation de la situation économique et le renforcement des inégalités : de plus en plus de personnes et particulièrement des femmes, vivent avec des revenus au-dessous du seuil de pauvreté, sont dans des situations de grande précarité, renoncent aux soins par manque de moyens, dorment dans la rue.
La peur de l’avenir pour soi, le sentiment d’insécurité s’amplifient à cause d’un chômage qui ne recule pas, surtout pour les enfants dont l’avenir est perçu comme incertain, menacé dans un contexte international tendu, avec des risques de conflits, de violences au cœur même des lieux de vie.
Peur de l’autre, instrumentalisée pour nous diviser : l’autre dont on ne partage pas l’opinion, l’orientation sexuelle, la culture ou la religion devient l’ennemi dont on doit se protéger. Face à ces inquiétudes, l’état d’urgence, la répression, le tout sécuritaire ne font qu’aggraver les tensions. La majorité des réponses qui sont proposées ne font que creuser ces fractures sociales, et renforcer les discriminations, cultivant la peur et le repli et ne permettant pas de comprendre et de s’attaquer à ce qui fait le terreau des tensions qui traversent nos sociétés : les inégalités en tous genres.
Ces réponses n’apportent aucune solution concrète aux difficultés de vie et au contraire, elles s’opposent au travail développé en proximité pour renouer les liens pour « faire ensemble » et créer de nouvelles solidarités. Les sujets que porte le Planning sont au cœur des débats qui ont traversé les élections régionales et au-delà, au niveau de l’Europe. Le FN mais aussi tous ceux qui défendent cette société d’exclusion portent dans leur projet la défense des inégalités comme si elles étaient « naturelles » et non construites sur des rapports de domination : celles que subissent les femmes, alors qu’ils s’opposent à leur autonomie avec la remise en cause des droits sexuels, mais aussi celle de la supériorité de l’hétérosexualité, de la « race blanche » comme de la culture catholique. Il ne s’agit pas, pour nous, de proposer un « vivre ensemble » qui ferait fi des inégalités quotidiennes que vivent les personnes, des discriminations dont elles sont l’objet : il s’agit de construire ensemble une alternative, un projet de société égalitaire, inclusive, qui s’appuie sur l’éducation et la participation de toutes et tous, participation qui ne peut voir le jour que si l’on est reconnu.e, valorisé.e, respecté.e. Alors oui, le Planning, association politique, s’oppose aux régressions et elles ne vont pas manquer : les libertés sont attaquées sur plusieurs fronts.
La mobilisation internationale, européenne, nationale, contre le droit à l’avortement se développe depuis quelques années avec une vraie volonté de le faire reculer et de couper les vivres aux associations qui le défendent : un succès aux Etats-Unis et déjà, des pressions sur l’Europe et la France. Nous ne laisserons pas attaquer ce droit incontournable pour garantir aux femmes la maîtrise de leur fécondité et leur autonomie. Nous ne laisserons pas non plus remettre en cause les moyens dont nous avons besoin pour assurer l’information et l’accès de toutes à l’avortement. Nous serons avec d’autres mobilisé.e.s dans l’espace public pour faire entendre notre voix. Nous défendrons la liberté sexuelle des femmes et des hommes en Europe et dans le monde.
Nous pouvons témoigner des besoins et des aspirations des personnes que nous rencontrons dans nos lieux d’accueil ou d’intervention, celles aussi que nous écoutons sur notre numéro vert national. Nous voulons être cet outil de construction d’une parole collective à partir de toutes les expériences individuelles que nous rencontrons. Mais nous devons veiller à porter particulièrement la parole de celles et ceux qui se trouvent exclus de l’espace public et des lieux de décision. Car les liens se sont distendus entre forces progressistes et personnes sans voix. Ce lien est à reconstruire, non pas dans une forme déclarative, mais en étant là où c’est utile : nous devons dans nos priorités intégrer la nécessité d’être présent.e.s là où le besoin s’en fait le plus sentir. Nos lieux d’accueil, d’écoute et d’intervention sont des espaces où nous puisons nos connaissances, où nous repérons les blocages sociaux qui s’opposent à l’égalité entre les sexes et les sexualités mais aussi les difficultés d'accès aux droits ou aux soins des personnes. Grace à ces paroles, cette prise de conscience nous pouvons être force de propositions pour proposer de nouvelles évolutions législatives, de nouveaux modes d’organisation.