Un an après la mise en place du Grenelle contre les violences conjugales, le Planning familial ne peut cacher sa déception. Présent dans plus de 70 départements en métropole et Outre-Mer, notre mouvement milite au quotidien contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles notamment conjugales. Associé au niveau local comme national au Grenelle en 2019, aux côtés d’associations, nous avons partagé les difficultés de prise en charge des personnes victimes de violences sexistes et sexuelles. Nous avons fait des propositions pour améliorer la prévention ainsi que le dépistage des violences. Notre engagement dans le Grenelle se solde d’une lourde déception face au manque d’actions prises en un an.
Prévention et dépistage des violences
La lutte contre les violences sexistes et sexuelles notamment conjugales commence par l’apprentissage du consentement. Depuis 2001, la loi Aubry instaure trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle par an sur l’ensemble de la scolarité. La loi fêtera ses 20 ans l’an prochain. En deux décennies, nous continuons à constater un fossé en le cadre législatif et la réelle application de la loi au sein des établissements scolaires. Les ordonnances successives et le Grenelle n’ont pas changé ce constat. L’éducation à la vie affective et sexuelle doit être une priorité du plan de lutte contre les violences du gouvernement pour que chaque jeune sorte du système scolaire outillé-e pour mener des relations affectives et sexuelles épanouies dans le respect de l’Autre.
Le besoin de formation initiale ou continue des professionnel.les a été un axe important et transversal du Grenelle. Chaque professionnel.le au quotidien doit pouvoir apporter une première écoute et une orientation. La formation des professionnel-le-s comme la mise en place de séances d’éducation à la vie affective demande un appui d’un cadre législatif soutenant et des financements dédiés. Au Planning Familial, la baisse des financements suite à la réforme des EVARS dans certains départements a directement impacté la capacité de nos antennes locales de mener des actions de prévention et de formation dans le cadre de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Dans la Drôme par exemple, le Planning Familial a été obligé de réduire son programme de développement affectif et social, de 7 à 1 séance par groupe, auprès d'enfants en élémentaire.
La prise en charge globale des personnes victimes de violences
Les Associations Départementales du Planning Familial accueillent et accompagnement au quotidien des personnes victimes de violences. Lors d’entretiens individuels et collectifs, les personnes peuvent partager avec les conseiller-e-s, sages-femmes et médecins une situation de violences passée ou actuelle. Les professionnel-le-s leur proposent une écoute, un espace sécurisé et confidentiel dans lequel les personnes peuvent s’exprimer. Lorsqu’une prise en charge plus large est demandée en lien avec des partenaires associatifs et institutionnels, nous constations des inégalités sur le territoire français. Nous pouvons citer entre autres un manque de place en hébergement d’urgence ou encore un partenariat parfois difficile avec les hôtels de police et gendarmerie. Face à ces difficultés, nos militant-e-s se mobilisent en accompagnant les personnes accueillies dans nos AD aux commissariats ou en réservant des chambres d’hôtels, et ceci sur nos fonds propres.
En effet, la situation des femmes victimes de violences ne s’est pas améliorée. Le manque de place d’hébergement a été pointé à de nombreuses prises pendant le Grenelle : manque de places, hébergements parfois situés à des kilomètres du lieu de vie. Les dépôts de plaintes restent compliqués. Souvent, nous devons accompagner les femmes lorsqu’elles déposent plainte pour qu’elles soient entendues. De plus, la mise en place de l’ordonnance de protection nécessite entre 3 et 4 semaines selon les territoires. Nous pouvons aussi citer le retard dans les audiences judiciaires et des rendez-vous en préfecture pour les situations administratives. L’ensemble de ces freins et difficultés pénalisent les personnes victimes de violences et découragent aux dépôts de plainte et donc à la condamnation des auteurs de violence.
La prise en charge des auteurs
Malgré la création d'un numéro d'appel dédié aux auteurs, nous constatons un manque de dispositifs à court, moyen et long terme dans la prise en charge et l’accompagnement des auteurs de violence. En effet, il s'agit aussi de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour une prise en charge globale des auteurs, dès le premier acte: mesures d'éloignement, d'accompagnement et prise en charge adaptée psychologique sont nécessaires. A ce jour, les centres spécifiques et les professionnel.les formés sont trop peu nombreux au regard du nombre de violences conjugales, sexistes et sexuelles.
Un manque de financement pour lutter significativement contre les violences
Les associations pâtissent d’une complexification et d’un manque de transparence des dispositifs et des financements existants. L’augmentation du nombre d’appels à projet à défaut de subventions triennales, épuisent nos associations dans un contexte de compétition à l’image d’un modèle entrepreneurial. La lutte contre les violences nécessite des financements pérennes pour une prise en charge à court, moyen et long terme des personnes dans un travail en réseau avec les partenaires associatifs et institutionnels.
Face au manque de financements pointé par les associations, le Grenelle a donné naissance au fond Catherine. Celui-ci s’inscrit à nouveau dans une logique entrepreneuriale. Seules les grosses fondations pouvaient y répondre, et certaines associations départementales du Planning n’ont pu en bénéficier. Il ne permettait pas aux structures de développer des actions innovantes comme les critères choisis étaient identiques à celles des régions. Un an après le Grenelle des violences conjugales, nous appelons le gouvernement français à renforcer son plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles par l’application des cadres législatifs existants et l’augmentation des financements pour permettre une réelle prise en charge globale et adaptée des personnes victimes de violences.