En 1982, soit quelques mois après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le Congrès du MFPF (Mouvement Français pour le Planning Familial) se prononce en faveur de la pratique d’avortements précoces dans ses locaux. En effet, 7 ans après le vote de la Loi Veil, les difficultés d’accès l’avortement sont encore nombreuses. A Lyon, le constat est fait d’un désengagement de l’Etat dans les services publics et en particulier les services réalisant les IVG. Le Planning du Rhône va donc s’engager, avec d’autres associations départementales, à pratiquer  des avortements dans sa propre structure, ce qui constitue une pratique illégale puisque les IVG doivent se réaliser en milieu hospitalier. Il réalise d’abord une enquête auprès de ses adhérentes, qui lui permet de conclure que les femmes préféreraient en majorité avorter dans des structures légères (Planning Familial, cabinet médical, etc.) plutôt qu’aller à l’hôpital. Il décide alors de proposer, à titre expérimental, d’avorter au Planning, avec l’aide des médecins de l’ANCIC (Association Nationale des Centres d’IVG et de Contraception). Deux techniques d’avortement sont pratiquées :
•    Si le retard de règles était inférieur à 15 jours, une induction de règles était proposée : il s’agit d’une technique d’aspiration précoce avec une seringue et une faible dilatation du col
•    Si le retard de règles était supérieur à 15 jours et jusqu’à 8 semaines d'aménorrhée, le Planning proposait une IVG par aspiration (le document évoque dans le bilan des femmes accueillies « entre 7 et 11 semaines d'aménorrhée » ce qui nous interroge sur le délai effectivement pratiqué)

Pendant 3 mois, de février à avril 1983, le Planning du Rhône reçoit 35 femmes. Le succès de l’expérimentation est toutefois relatif. D’une part, elle se conclut par le constat d’un manque de médecins bénévoles pour poursuivre le projet. D’autre part, les militantes constatent une certaine forme de censure de la part des femmes qui auraient pu avorter par ce biais, peut-être liée à la crainte de l’illégalisme. Les femmes qui sont venues sont cependant satisfaites de l’accueil qui leur a été réservé. Enfin, sur le plan politique, l’objectif était également de montrer l’intérêt des avortements en structures légères et de faire évoluer la loi : ici encore le constat est fait que cette stratégie n’a pas reçu un grand soutien de la Confédération nationale et que le gouvernement de gauche au pouvoir se montre réticent à améliorer l’accès à l’IVG en France.


Document issu des archives : « Contribution de notre AD au bulletin horizontal », Association Départementale du Rhône, 13 septembre 1983.

Ressources supplémentaires :

Sur l’avortement en France

Bajos Nathalie, et Ferrand Michèle, 2011, « De l'interdiction au contrôle : les enjeux contemporains de la légalisation de l'avortement », Revue française des affaires sociales, no. 1, pp. 42-60.

Mouvement Français pour le Planning Familial, 1982, D’une révolte à une lutte. Vingt-cinq ans d’histoire du Planning familial, Paris, MFPF/Tierce.

Mouvement Français pour le Planning Familial, 2006, Liberté, sexualités, féminisme. 50 ans de combat du Planning pour les droits des femmes, Paris, La Découverte.

Pavard Bibia, 2009, « Genre et militantisme dans le Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception. Pratique des avortements (1973-1979) », Clio. Histoire, femmes et sociétés, vol. 29, no. 1, pp. 79-96

Vizzanova Sandra, 2021, Interruption, L’avortement par celles qui l’ont vécu, Paris, Editions Stock

Sur l’avortement dans le monde :
 
Guillaume Agnès, et Clémentine Rossier, 2018,  « L’avortement dans le monde. État des lieux des législations, mesures, tendances et conséquences », Population, vol. 73, no. 2, pp. 225-322.

 

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