Madame la ministre de l’Education nationale,


Comment ne pas entendre les campagnes d’hostilité de certains mouvements pourtant largement minoritaires, à l’encontre de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle à l’Ecole ?


Elles sont assourdissantes, et nous inquiètent. Ces mouvements anti-droits, souvent proches de l’extrême droite, diabolisent cet enseignement, distillent le poison du doute en répandant de fausses informations et en caricaturant les enjeux.


Cette éducation qu’ils vouent aux gémonies «exciterait» la jeunesse et apprendrait aux enfants «l’érection à 8 ans, la masturbation à 9 et l’éjaculation à 10». Ces allégations, relayées notamment dans une pétition qui vous est adressée, sont bien sûr scandaleusement fausses et
dangereusement alarmistes. Elles créent un climat de méfiance et de peur infondées parmi les parents et les élèves. Elles nuisent gravement aux efforts que nous devons déployer pour dispenser une éducation de qualité et adaptée à chaque niveau scolaire. Ces mouvements font même insulte à votre ministère en évoquant «une atmosphère incestuelle institutionnelle».


Nous, lycéen·es, associations de parents et associations intervenant en milieu scolaire, sommes consterné·es par votre silence. Pas un mot, pas une seule déclaration publique de votre part pour dénoncer ces mensonges et ces lectures complotistes. Nous sommes seul·es dans ce combat pour le bien-être de la jeunesse. Malgré nos efforts pour rectifier les contrevérités et sensibiliser le public, notre impact serait plus puissant avec un soutien ferme et visible de votre part. Nous ne pouvons être les seul·es à défendre une éducation complète à la sexualité pour l’ensemble des élèves.

 

Prévention des violences

Dans nos actions de terrain, directement en lien avec les jeunes, nous ne nous sentons pas soutenu·es. L’Ecole et les associations ne peuvent pas être les seules à canaliser pressions et agressions de la part de collectifs conservateurs et réactionnaires, ni les violences et souffrances au sein de la jeunesse. Or aujourd’hui, les personnels de l’Education nationale et les associations doivent gérer au cas par cas les actes de violences de plus en plus nombreux, sans pouvoir invoquer la parole d’un Etat protecteur et progressiste.


L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle est fondamentale. Elle est un pilier essentiel pour préparer les jeunes à une vie d’adulte responsable, respectueuse et épanouie. Elle contribue à la mise en place d’un climat bienveillant, à la prévention des violences sexuelles, à la promotion de l’égalité de genre et à la santé publique. Les jeunes réclament des réponses à leurs questions légitimes et bien souvent angoissées sur leur relation au corps, le leur et celui des autres. Cet enseignement est le meilleur outil pour y répondre. Il joue aussi un rôle crucial en matière de prévention et de signalement des violences intrafamiliales, notamment incestueuses.


Madame la ministre, ne laissez pas croire que votre silence est un accord tacite aux mensonges et à la désinformation. Il est urgent qu’à votre tour, enfin, vous vous fassiez entendre : prenez
position publiquement et agissez pour protéger une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle basée sur des faits et le respect de chacun·e, pour le bien de la jeunesse de notre pays.


Signataires :

Association de lutte contre le sida et pour la santé sexuelle ALS Excision, Parlons-en ! Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles FNCIDFF Fédération nationale Solidarité femmes FNSF ID santé, Crips, Parents et féministes, le Planning familial, Sidaction, Stop Fisha, Union syndicale lycéenne USL.

 

Tribune parue dans Libération, le 4 juin 2024

Abonnez-vous aux actualités du planning