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ETAT DES LIEUX DE L'AVORTEMENT EN FRANCE

 

Le présent plan d'amélioration de l'accès à l'avortement vise à renforcer l'accès à l'IVG en garantissant une information fiable et pertinente, un parcours simplifié, et une couverture équitable sur l'ensemble du territoire.

Ce plan ambitionne de répondre aux obstacles actuels, mis en lumière par les résultats principaux du premier baromètre sur l’accès à l’avortement, paru en septembre 2024, mené par le Planning familial avec l'IFOP.

👉 Découvrez la synthèse de l'IFOP sur "l'accès à l'avortement" en France
👉 Découvrez notre dossier de presse sur "Avorter aujourd'hui, quelles réalités" ?

 

EN SYNTHESE

85 % des personnes interrogées se déclarent très fortement attachées au droit à l'avortement.
Cependant, 89 % des personnes interrogées ont relevé des freins persistants à l’accès à l’avortement :

  • un manque de structures et des délais d’attente trop longs : plus de la moitié des femmes ont dû attendre plus de 7 jours pour avoir un rendez-vous, au lieu des 5 jours recommandés par l’OMS
  • la stigmatisation de l'IVG : 1 femme sur 3 a ressenti des pressions lors de l’avortement (de la part de mouvements anti-choix, des professionnel·les de santé ou de leur entourage)
  • le tabou encore très présent  : 2/ 3 femmes ayant recours à un avortement ont peur d'être jugées ou d'avoir des remarques de la part des profesionnel·les ou de l'entourage
  • le manque d'accompagnement : 1/2 femme n'a pas obtenu d'arrêt de travail pour avorter

 

10 RECOMMANDATIONS POUR AMELIORER L'ACCES A L'AVORTEMENT

 

CONTEXTE

Les 10 recommandations formulées dans ce plan sont aussi le fruit d’une réflexion approfondie menée à partir de l'expertise de terrain du Planning familial, qui œuvre au quotidien pour accompagner les personnes dans leurs démarches d'IVG.
Les acteur·rices de terrain, confronté·es aux réalités locales, ont apporté des éclairages essentiels pour identifier les leviers d’action les plus pertinents.

Ainsi, ce plan d'action constitue une réponse concrète aux défis soulevés par le baromètre et repose sur des solutions pratiques, adaptées aux besoins des personnes concernées. Trois axes principaux structurent ce plan : informer efficacement les personnes souhaitant avorter, améliorer et simplifier leur parcours, et assurer une offre diversifiée, accessible et répartie de manière homogène sur le territoire.
L’ordre de présentation des différentes mesures dans ce document ne traduit pas leur priorité de mise en œuvre, il suit en quelque sorte le parcours d’une personne souhaitant avorter.

👉 Télécharger le plan d'amélioration

Nos recommandations se décline en trois grands axes.

 

AXE I - MIEUX INFORMER

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➤ 1 - Mettre en place des campagnes d’information sur l’IVG 

 

Il est crucial que le gouvernement lance des campagnes annuelles d'information sur l'IVG, qui expliquent clairement les modalités d'accès à l'avortement, les droits en la matière et les démarches à suivre.

Ces campagnes devraient être diffusées à travers des supports numériques et physiques, dans des lieux stratégiques comme les établissements scolaires, les hôpitaux et les espaces publics, et tout lieu accueillant du public. Une telle initiative répondrait à un manque de connaissance flagrant, car de nombreuses personnes ignorent encore leurs droits ou les démarches nécessaires pour accéder à l'IVG.

De plus, ces campagnes seraient un moyen efficace de lutter contre la désinformation diffusée par des groupes anti-choix, qui propagent des messages erronés et stigmatisants sur l'avortement. 

 

➤ 2 - Créer un observatoire national sur l’accès à l’avortement 

La création d'un observatoire national indépendant, chargé d’évaluer chaque année l’accès à l’IVG sur tout le territoire national, dans toute sa diversité, permettrait de suivre l’efficacité des politiques mises en place et leur impact réel sur le terrain.

Cet observatoire publierait un rapport public annuel, offrant une vision claire des inégalités territoriales et des éventuelles restrictions d’accès, tout en formulant des recommandations pour ajuster les réglementations si nécessaire. Grâce à la transparence de ces rapports, les décideurs et le grand public seraient informés des évolutions en matière d'accès à l'IVG, facilitant ainsi une prise de décision éclairée.

L’observatoire jouerait également un rôle clé dans la coordination régionale, en impliquant les parties prenantes locales pour garantir une approche globale et adaptée aux réalités spécifiques de chaque territoire. 

➤ 3 - Assurer l’accès à une information fiable sur l’avortement dans l’espace numérique 

Pour favoriser une information fiable sur l’avortement dans l’espace numérique, il est nécessaire d’améliorer le référencement des contenus pertinents et fiables sur le sujet, en collaboration avec des associations de terrain, des professionnel·les expert·es et des institutions reconnues.

Il est essentiel de pérenniser le tchat mis en place par le Planning familial : ivg-contraceptionsexualites.org, un outil anonyme, gratuit et sécurisé, qui offre une information fiable et contrer la désinformation en ligne sur l’accès à l’IVG.
Par ailleurs, une accentuation du travail algorithmique avec les grandes plateformes numériques est nécessaire pour prioriser les informations fiables et contrer la désinformation en ligne.

Enfin, la poursuite d’un partenariat fort et constructif avec le Ministère de la Santé permettra d’assurer la coordination et la crédibilité des actions menées en ligne.

➤ 4 - Former obligatoirement l’ensemble des acteur·rices autour de l’IVG

    Il est essentiel d’intégrer de manière systématique la question de l’IVG dans la formation initiale et continue de tous les professionnel·les médicaux et paramédicaux, ainsi que des personnel·les des secteurs sanitaire, social, d’accueil et administratif.
    Cette formation existe en principe mais est incomplète et encore insuffisamment réalisée.
    En effet, l’IVG doit être considérée comme un soin à part entière, faisant partie intégrante de la santé, et non comme une «erreur» ou un «échec».

    Cette formation doit être rendue obligatoire pour garantir que chaque professionnel·le dispose d’une compréhension complète et nuancée du parcours d’IVG, dépassant ainsi l’aspect strictement technique. L’accent ne doit pas seulement être mis sur les gestes médicaux, mais également sur l’accueil des personnes, le respect de leurs droits, l’écoute attentive de leurs besoins et la lutte contre toute forme de stigmatisation.

     

    AXE II - SIMPLIFIER ET AMELIORER LE PARCOURS

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    ➤ 5 - Prolonger les délais légaux d’avortement  

    Nous préconisons d’allonger le délai légal pour recourir à l’IVG - dans un premier temps - à 24 semaines de grossesse (au lieu des 14 semaines actuelles), en suivant l’exemple des pays les plus progressistes (délai le plus long actuellement en vigueur dans l’UE).

    Le Planning familial défend dans l’absolu la suppression totale du délai de recours à l’IVG. Seule la personne enceinte a le droit de décider pour son corps et devrait donc avoir le droit, si elle le souhaite, de mettre fin à une grossesse non-désirée à n’importe quel moment.

    La découverte tardive de la grossesse reste un problème majeur pour de nombreuses personnes, souvent en raison de cycles menstruels irréguliers, de conditions médicales particulières, ou de situations personnelles complexes qui rendent difficile la détection rapide de la grossesse. De plus, le changement de situation personnelle en cours de grossesse, tel que des violences ou une perte d’emploi, peut modifier considérablement les priorités et prises de décision. À cela s’ajoute l’impact des obstacles pratiques, tels que les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous, le manque de praticiens disponibles, la stigmatisation ou la nécessité de passer par un parcours de soin long et multiple.

    ➤ 6 - Instaurer un congé « santé reproductive et sexuelle » 

    Une réflexion pourrait être engagée autour de l’instauration d’un congé spécifique dédié à la santé reproductive et sexuelle, couvrant des situations telles que les menstruations douloureuses, la fausse couche, l’IVG ou la ménopause. Une telle mesure permettrait de mieux reconnaître les impacts de ces réalités sur la vie professionnelle des femmes et des personnes minorisées de genre.

    Ce congé, proposé de manière systématique mais sans obligation, offrirait un temps de repos et de récupération adapté, sans stigmatisation, tout en facilitant l’accès aux soins nécessaires. L’exonération du délai de carence dans ces cas renforcerait également la prise en charge immédiate, réduisant les pertes de revenus et la pression liée aux absences au travail.

    Une telle initiative pourrait contribuer à lever les tabous et à réduire les inégalités persistantes en matière de santé sexuelle et reproductive.

    ➤ 7 - Simplifier les démarches pour avorter

    Afin de rendre le parcours d’accès à l’IVG plus rapide, accessible et respectueux des besoins des femmes et personnes concernées, il est essentiel de simplifier les démarches administratives et médicales actuellement en vigueur.

    Une première mesure clé serait d’élargir la compétence en matière d’IVG à d’autres professions, telles que les infirmier·es. Cela offrirait une plus grande souplesse et réduirait les délais d’attente liés au manque de praticien·nes disponibles.

    Par ailleurs, il est nécessaire de supprimer le caractère obligatoire des consultations préalables à l’IVG. En autorisant les personnes à réaliser l’IVG en un seul temps, sans consultations multiples, on pourrait alléger le parcours de soin, évitant ainsi des démarches qui peuvent être perçues comme intrusives ou inutiles.

    La suppression du caractère systématique de la première échographie constitue une autre avancée importante. Bien que l’échographie puisse être utile dans certaines situations, son imposition systématique alourdit le parcours et peut être vécue comme une étape intrusive ou culpabilisante par certaines personnes. Son utilisation devrait être laissée à l’appréciation des professionnel·les et des patientes, en fonction des besoins spécifiques.

    Enfin, l’anonymat doit être garanti de manière systématique pour toutes les personnes souhaitant avorter, qu’elles soient mineures ou majeures, bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État (AME) ou sans couverture sociale. Cela permettrait de lever un obstacle majeur, notamment pour les personnes vulnérables, en leur offrant une sécurité et une confidentialité absolues dans leur démarche. L’instauration de l’anonymat comme norme contribuerait à réduire la stigmatisation associée à l’avortement et à assurer un accès équitable pour toutes les personnes.

    ➤ 8 - Garantir un accès gratuit à l’avortement pour toustes sur le sol français

    Garantir l’accès gratuit à l’avortement pour toutes et tous sur le sol français, sans distinction de nationalité ou de statut administratif, est une mesure essentielle pour assurer une égalité réelle face à ce droit fondamental. Cela inclut les personnes étrangères en situation régulière, ainsi que celles en situation irrégulière, qui se trouvent souvent confrontées à des obstacles considérables pour accéder à des soins sûrs et légaux. Pour de nombreuses personnes venant de pays où l’avortement est restreint ou interdit, comme la Pologne par exemple, la France pourrait représenter un refuge offrant la possibilité d’exercer leur droit à disposer de leur corps en toute sécurité et sans discrimination.

    L’accès universel et gratuit à l’IVG s’inscrit dans une logique de santé publique et de justice sociale. Les barrières financières et administratives qui persistent aujourd’hui aggravent les inégalités et exposent les personnes les plus vulnérables à des risques pour leur santé. En supprimant ces barrières, cela permettrait d’assurer que toute personne, quelles que soient ses origines ou ses ressources, puisse accéder à l’IVG dans des conditions dignes et sécurisées.

    Cette recommandation résonne avec l’initiative citoyenne européenne Ma Voix, Mon Choix, qui milite pour inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Inscrire l’IVG comme un droit fondamental au niveau européen garantirait une protection renforcée et un accès harmonisé à l’avortement sur tout le territoire de l’Union, offrant une réponse collective et solidaire face aux reculs inquiétants observés dans certains pays.

     

    AXE III - Garantir une offre sur l’ensemble du territoire

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    ➤ 9 - Supprimer la double clause de conscience spécifique à l’IVG

    Le Planning familial s’engage à lutter contre la stigmatisation de l’avortement notamment à travers la demande de la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG.

    Nous soutenons la suppression de cette clause de conscience, fruit d’un compromis datant de 1974 qui permet aux professionnel.les de santé de refuser de pratiquer une IVG en fonction de leurs convictions personnelles. Cette clause, que les professionnel.les de santé ne sont pas obligés de déclarer, est souvent utilisée de manière insidieuse et limite l’accès à l’IVG en imposant des obstacles injustifiés aux femmes et aux personnes concernées.

    En supprimant cette double clause, nous garantissons que toute personne en demande d’une IVG puisse y accéder de manière rapide et sans entrave, dans le respect de ses droits. Cette mesure permettrait de renforcer la liberté de choix des patient·es tout en assurant une prise en charge adaptée et sans délai.

    ➤ 10 - Améliorer l’offre de proximité pour réaliser une IVG

    Il est crucial de développer l’accès à l’IVG en étendant les Centres d’Interruption Volontaire de Grossesse (CIVG) dans tous les hôpitaux, ainsi qu’en augmentant l’offre de soins libéraux et en l’intégrant dans tous les centres de santé.

    Parallèlement, des véritables lieux de proximité doivent être instaurés, permettant à toute personne d’avoir accès à l’avortement dans des conditions sécurisées et confidentielles, quelle que soit sa situation géographique. La possibilité de réaliser une IVG médicamenteuse par d’autres professionnel·les pourrait permettre d’accéder plus facilement au droit d’avorter.

    Il est aussi crucial que chaque patient·e sache vers quel·le médecin ou établissement se tourner pour bénéficier de l’IVG. Pour cela, il convient de rendre effective l’obligation de déclaration et publication de la clause de conscience pour tout le personnel médical.

    Bien que la création d’un répertoire des praticien·nes pratiquant l’IVG ait été votée, sa mise en œuvre effective demeure insuffisante. Le Planning familial recommande donc de garantir l’application de ce répertoire sans exception. Cela permettrait d’assurer une visibilité et une accessibilité optimales de l’offre de soins, en favorisant la transparence et en facilitant le parcours des patient·es dans leur démarche d’avortement. La collaboration avec les hôpitaux et les conventions existantes pourrait également contribuer à une meilleure organisation de cette mesure.

     

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    Un projet soutenu par la Fondation des Femmes

     

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